L’Anses met son nez dans les produits de vapotage

À travers l’analyse de plus de 33 000 produits de vapotage, l’Anses relève plusieurs anomalies. Manquements déclaratifs de la part des fabricants, concentration trop élevée en nicotine et même présence d’ingrédients interdits : tout n’est pas rose au pays de la vape. Pour faire bouger les choses, l’agence a publié la liste des mauvais élèves.

L’Anses met son nez dans les produits de vapotage

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié une grande étude sur les produits du tabac et du vapotage. Bien que celle-ci ne remette pas en question la moindre dangerosité de la vape par rapport aux cigarettes combustibles, plusieurs anomalies sont mises en exergue…

Non-conformité des produits déclarés, présence d’ingrédients interdits, voire présence de composants CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) : si la part des produits incriminés reste faible (0,06 % pour les ingrédients interdits), l’Anses relève des pratiques pour le moins douteuses. « Le marché du vapotage se compose d’une quantité considérable de metteurs sur le marché de nature très diverse, est-il indiqué dans le rapport. En raison de cette diversité d’acteurs […] le marché du e-liquide semble permettre toutes les originalités. L’enjeu porte désormais sur l’évaluation des risques sanitaires liés à l’inhalation de certaines substances. »

Près de 1 200 substances différentes composent les 33 813 produits de vapotage

La directive européenne 2014/40/UE, entrée en vigueur le 20 mai 2016 en France, oblige les fabricants à déclarer des informations relatives à la composition, aux émissions et à la toxicité de leurs produits avant commercialisation. Responsable de l’analyse de ces données, l’Anses a ainsi recensé 33 813 produits de vapotage (dont 78,8 % d’e-liquides) entre mai 2019 et juin 2020, vendus par 724 fabricants. Et identifié 1 200 substances différentes au total.

« Depuis les premières e-cigarettes en 2007, les fabricants présentent les choses comme très simples : un peu de nicotine, de glycérine végétale, des arômes, indique Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques à l’Anses. Mais en réalité, ils puisent dans un catalogue de 1 200 produits ! Et très peu sont soumis à une évaluation préalable. »

Premier témoignage de cette « originalité » du marché de la vape, les arômes revêtiraient parfois une réalité contrastée. « Les fabricants se cachent derrière les arômes pour ne pas communiquer tout à fait le contenu de leurs produits, dénonce Benoît Labarbe, en charge de l’étude. Les parfum au tabac, par exemple, barbe à papa, bonbon caramel ou banane ne suffisent pas à montrer la composition exacte d’une substance ».

Des substances cancérigènes ou interdites détectées

La majorité des e-liquides déclarés sur le marché français contiennent un support de dilution comme le propylène-glycol (PG) et/ou le glycérol (glycérine végétale, VG), une teneur moyenne en nicotine d’environ 6 mg/ml et peuvent comporter jusqu’à quinze substances aromatisantes. Les plus fréquents sont les dérivés de la vanilline, du maltol, du menthol, des esters aux odeurs fruitées. On retrouve également des sucres et édulcorants (glucose/fructose, sucralose), des acides utilisés dans les sels de nicotine et des extraits de plantes. 

Le problème : 3,5 % des produits (soit 962 éléments identifiés) comporteraient au moins un ingrédient CMR. Il s’agit notamment du furfural, en tant que renforceur d’arôme, ou de l’acétaldéhyde. Cette proportion est en hausse par rapport à la période 2018-2019 (3,3 %).

D’autres substances correspondent à des ingrédients interdits, comme la vitamine, la caféine ou la taurine. L’Anses parle de 0,06 % des produits concernés, soit 17 e-liquides au total. « C’est peu élevé en nombre, poursuit Benoît Labarbe, mais comme on ne dispose pas des données de vente de ces produits, on ne peut pas évaluer l’exposition de la population. »

Des données non transmises sur les volumes de ventes

C’est l’un des autres enseignements de l’étude de l’Anses. Pour 61 % des produits de vapotage, les fabricants ne transmettent pas leurs données de vente. C’est pourtant une autre obligation. « Des informations sur la composition et surtout le volume de ventes de produits sont manquantes, et différentes incohérences dans les informations communiquées apparaissent également », indique le rapport.

« Dans une moindre mesure, sur la base des informations déclarées, l’Agence a mis en évidence des non-conformités portant sur des émissions supérieures au seuil réglementaire pour certaines cigarettes ou une concentration trop élevée en nicotine dans certains produits de vapotage », poursuivent les rapporteurs. 

Autre problème : il n’y a pas d’obligation de notification pour les produits de vapotage sans nicotine, ni ceux fabriqués de façon artisanale par le consommateur (DIY). Près de 35 % du marché échapperait ainsi à un réel contrôle, selon une étude menée par l’institut BVA à la demande de l’Anses.

Rendre publiques les informations sur la composition

À ce stade, l’agence n’a pas évalué les risques sanitaires, mais entend bien lever le voile sur un marché qu’elle juge « controversé ». Dans une interview au Point, Matthieu Schuler a révélé plusieurs zones d’ombre. Comme la présence de sucralose, un édulcorant artificiel intense qui réduit l’âcreté de la nicotine, que l’on retrouve dans 12 % des produits. « Or, on sait que quand il est chauffé, il peut générer du chloropropanol, une substance cancérigène à une certaine dose. »

Autre inconnue : les substances « néoformées » en fonction des mélanges ou des contaminants métalliques, comme la bobine servant à chauffer l’e-liquide. 

L’Anses a informé les fabricants concernés des non-conformités constatées et leur a demandé de procéder à la régularisation de leur situation, en agissant soit sur les produits, soit sur leurs déclarations selon le processus européen. Pour faire bouger les lignes, l’agence a ainsi publié la liste exhaustive de ces relevés, au format Excel, accessible à tous. 

« La France est à ce jour le premier Etat membre à publier autant d’informations sur les produits mis sur le marché », s’enorgueillit l’Anses. Libre aux développeurs d’applications de développer des outils pour mieux lire ces données, à la manière d’un « Yuka » des e-liquides, par exemple.

L’Anses s’attèle à présent à un travail de hiérarchisation des substances douteuses, pour mieux évaluer les risques sanitaires. « Au-delà des exigences de conformité règlementaire, l’enjeu porte désormais sur l’évaluation des risques sanitaires liés à l’inhalation de certaines substances chimiques dans les produits du vapotage et les nouveaux produits du tabac chauffé », conclut l’agence.

Nombre de fabricants travaillent en toute transparence

Pour autant, il n’y a pas lieu de dramatiser. Car, si le rapport publié par l’Anses peut susciter certaines craintes, un grand nombre de fabricants d’e-liquides travaillent en toute transparence, en respectant scrupuleusement les règles édictées dans le cadre de la TPD. Certaines marques sont même allées plus loin avec la certification Afnor, garante de la qualité des produits proposés aux consommateurs. Et puis, que l’Anses relève des anomalies concernant certains e-liquides est plutôt positif en fin de compte. Cela signifie que les choses bougent dans ce domaine, malgré le contexte sanitaire. Cela signifie surtout que les mauvais élèves pointés par l’organisme vont être contraints de revoir leur copie.

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